Les procédures de marchés publics sont-elles trop complexes ?
Faîtes-vous partie des 33% d’entreprises qui ne répondent pas aux appels d’offres en raison de procédures jugées trop compliquées ?
En France, les achats publics se chiffrent pourtant à plus de 80 milliards d’euros par an.
Malheureusement cette manne financière échappe à beaucoup de petites entreprises en raison de cette complexité.
Alors, pourquoi est-ce que répondre à un appel d’offres apparaît si complexe aux petites entreprises ?
Laissez-moi vous raconter l’histoire de Jean.
Jean est passionné de photo. Depuis qu’il est gamin, il a toujours son appareil sur lui. Il aime particulièrement les photos de paysages. Tout naturellement, il a décidé d’en faire son métier, il est donc devenu photographe professionnel à Villeurbanne, la ville où il est né et où vivent encore ses parents. Il n’a pas de salariés, une grande partie de son activité consiste à faire des portraits, des photos d’identité et des photos de mariages. Il aimerait bien diversifier son activité et réaliser des reportages.
Il y a quelques mois, il a participé à une réunion au cours de laquelle un conseiller de la chambre de métiers est venu sensibiliser les membres de son club d’entreprises aux marchés publics. Le conseiller a expliqué que les marchés publics étaient fréquemment négligés par les TPE alors que les élus locaux souhaiteraient plus souvent faire affaire avec des petites entreprises.
Bien décidé à tenter sa chance, Jean a retenu que beaucoup de marchés sont publiés sur le site du BOAMP. Il fait donc une recherche mais ne trouve rien en Auvergne Rhône Alpes. Il tente sur un autre site : toujours rien. Un troisième : le Département de la Loire souhaite faire réaliser des reportages photographiques. Il télécharge le dossier de consultation. Lors de la réunion, on lui a dit qu’il comportait toutes les informations utiles.
Mais on ne l’avait pas prévenu que le dossier de consultation pouvait contenir treize fichiers de plusieurs pages chacun.
Jean ne sait pas trop par où commencer, il ouvre donc le fichier dénommé DC4 ainsi que sa notice. Il n’y comprend pas grand-chose, il y est question de sous-traitance, de marchés de partenariat, de marchés subséquents. Ce vocabulaire lui est totalement étranger.
Il passe ensuite au fichier dénommé AAPC.
Pas mieux
Jean se sent comme Obélix dans les 12 travaux d’Astérix.
Jean veut juste vendre des reportages photos, Astérix ne peut pas l’aider et il ne veut pas devenir avocat ni agent administratif.
Pourquoi les administrations mettent-elles des bâtons dans les roues des petits entrepreneurs comme lui ?
Je vais vous donner mon interprétation.
Mais pour cela, plaçons-nous de l’autre côté, du côté de l’administration. Et revenons quelques semaines en arrière.
Eric vient d’être recruté au service communication du Département.
L’une de ses premières missions consiste à trouver des photographes pour réaliser des reportages lors des manifestations organisées par sa collectivité mais aussi pour mettre en valeur les atouts touristiques, culturels et patrimoniaux du département.
Avant de choisir les photographes, il sait qu’il y a beaucoup de règles à respecter et qu’elles changent souvent.
Il a donc pris rendez-vous avec Natacha, juriste, qui lui explique ce qu’il doit faire dans son cas précis et lui fournit plusieurs documents types à remplir.
Malgré les explications de Natacha, Eric est un peu perdu au milieu de ces documents administratifs. Son job, c’est d’organiser des actions de communication, il n’est pas très à l’aise avec tous ces formulaires.
Heureusement, Sophie l’assistante administrative et financière du service a déjà travaillé sur plusieurs appels d’offres et peut aider Eric à rédiger son dossier de consultation.
A Eric, la partie technique, la description de ce qu’il attend des photographes, il utilisera son langage de communicant pour rédiger le cahier des charges.
A Sophie, la partie administrative et financière, elle utilisera son langage administratif.
Natacha les accompagnera tout au long de la procédure, elle apportera son langage juridique là où il sera utile et vérifiera le respect des procédures.
Et ce travail collaboratif a abouti au dossier de consultation que Jean a téléchargé.
En tant que photographe, Jean comprend le langage d’Eric, il a déjà travaillé avec une ou deux agences de com, il comprendrait donc son cahier des charges.
Par contre, Jean ne comprend pas grand-chose aux autres documents remplis par Sophie et Natacha. Malheureusement, ce sont ceux que Jean a ouvert en premier, il ne savait pas que le cahier des charges d’Eric se trouvait dans le fichier dénommé CCTP. S’il avait commencé par là, peut-être ne se serait-il pas découragé aussi rapidement.
C’est tout à fait normal que les documents de Sophie et Natacha soient difficiles à comprendre pour Jean, ils ne font pas le même métier, il ne comprend donc pas leur langage, ni leurs procédures.
D’ailleurs, Jean possède lui aussi son propre langage, ses propres process. Lorsqu’il parle de balance des blancs, de distance focale, de bruit, d’iso, de capteur APS-C à son épouse, elle lui répond souvent qu’elle ne comprend rien à son langage technique.
Nous avons tous notre propre langage, nos termes techniques, nos process.
Le charpentier parle de ferme, de panne, de volige, de jambe de force.
Le développeur web d’HTML, de CSS, de PHP, de javascript.
Sophie et Natacha, de CCAP, d’article L 2120-1, de procédure adaptée, de RC, d’accord-cadre.
Et c’est ici que se trouve, selon moi, la cause principale de l’apparente complexité des marchés publics : la difficulté à comprendre les langages qui ne sont pas dans notre domaine de compétence ou pour lesquels nous n’éprouvons pas d’intérêt particulier, voire une aversion.
Jean a décidé de ne pas répondre à ce marché mais il trouve dommage de rester bloqué pour une question de vocabulaire.
Il se dit qu’il y a peut-être des marchés publics un peu moins complexes et il se lance dans une recherche google.
Peut-être quelque chose d’intéressant, Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme a lancé une consultation pour un reportage photo sur ViaRhona, la véloroute entre le Lac Léman et la Méditerranée. Il ouvre l’avis de publicité et récupère le cahier des charges. Ca se présente plutôt bien, il n’y a qu’un document de 7 pages. Il le balaye rapidement : des explications sur ce qu’est la ViaRhona, des informations sur le partenariat régional, la nature de la mission, les sites à photographier, les caractéristiques des images, la qualité artistique attendue, la logistique, la question des droits, le calendrier de réalisation de la prestation, le budget et enfin les modalités de remise de l’offre technique et commerciale.
C’est beaucoup plus simple. Il ne semble pas y avoir de langage administratif ni de termes trop juridiques. Pas de mal de tête à l’horizon.
Jean décide donc de répondre à son premier appel d’offres. Il n’est pas certain de remporter ce marché mais il aura au moins tenté sa chance.
Alors que faire si vous dirigez une petite entreprise et que vous souhaitez débuter dans les marchés publics malgré votre difficulté à comprendre Sophie ou Natacha.
Vous pouvez-faire comme Jean et commencer doucement. Choisissez des petits marchés qui sont généralement ceux aux procédures les plus simples. Particulièrement ceux passés par les petites communes ou les petits organismes publics.
Leurs élus et agents sont souvent multi-casquettes comme vous l’êtes vous-mêmes. Ils ont rarement Eric, Sophie et Natacha dans leur équipe. Vous aurez plus de facilité à vous comprendre et cela vous permettra de vous acculturer au langage de l’administration.
Le principal document que vous aurez à rédiger sera une proposition technique et commerciale.
Vous aurez probablement à fournir quelques documents aux noms barbares, tels qu’un DC1 et un DC2. Rassurez-vous, lorsque vous les aurez renseignés une fois, vous pourrez les réutiliser moyennant une mise à jour rapide. Après avoir répondu à vos premiers marchés, vous pourrez viser plus haut et approfondir votre connaissance de cette nouvelle langue.
Vous pouvez également vous former, vous intègrerez ainsi une nouvelle compétence.
Pour commencer, regardez cette vidéo qui vous présente les principales étapes d’un marché public en moins de 6 minutes.